






Yelli veut dire ma fille en berbère.
Mon père s’appelle Lahoucine. Ma mère Chantal. J’avais trois ans lors de mon premier voyage au Maroc. Ma mère me racontait qu’au retour, j’étais plus apaisée. À cet âge-là, je voyais le Maroc comme une terre lointaine où des gens avaient l’air de m’attendre.
J’ai grandi avec l’idée que j’étais française, ce sont les autres qui m’ont renvoyée à cette double appartenance. Nous allions rarement au Maroc, je ne sais pas si mon père en cachait le désir ou y était insensible.
En France je ne suis pas totalement d’ici, au Maroc pas totalement de là-bas. De plus, mon père n’est pas arabe, il est berbère. Je sais désormais que ce n’est pas pareil.
En grandissant, j’ai voulu comprendre d’où je venais. Là-bas, j’ai rencontré de jeunes femmes de ma génération, qui auraient pu être des sœurs, des cousines ou des amies. En France, j’ai rencontré de jeunes immigrées ou descendantes d’immigrés, avec qui j’ai eu la sensation de partager une partie de mon histoire.
J’ai rassemblé ces deux jeunesses lointaines et proches à la fois. En jouant avec l’ambiguïté des lieux, le dépouillement des intérieurs, la pudeur de ce qu’elles montrent d’elles, j’ai tenté d’éviter les risques d’une vision orientaliste. Et en taisant les noms et les lieux, j’ai voulu maintenir vivant ce questionnement sur une dualité irréductible à aucun ici ou aucun ailleurs.
Cette série a été exposée à la Galerie Vu' en 2022 et au DADA Marrakech en 2023.